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Antiquité classique

Historiographie de l’Afrique du Nord antique

Monique Dondin-Payre
p. 112-114

Résumé

Programme de l’année 2005-2006 : Historiographie de l’Afrique du Nord antique. Programme de l’année 2006-2007 : Historiographie de l’Afrique du Nord antique.

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Notes de la rédaction

On trouvera ici le résumé des conférences de Mme Dondin-Payre pour l’année 2005-2006, qui n’avait pas pu être publié dans le précédent Livret-Annuaire, et, à sa suite, celui de l’année 2006-2007.

Texte intégral

Programme de l’année 2005-2006 : Historiographie de l’Afrique du Nord antique

1Les cours ont eu lieu un vendredi sur deux, à la Sorbonne, régulièrement, sauf pendant la fermeture des locaux pour cause de grève.

2L’objectif de l’enseignement est de mettre en évidence les conditions d’élaboration de l’histoire de l’Afrique antique, non pour porter un jugement, mais pour comprendre que l’idéologie pèse inévitablement sur l’écriture de l’histoire. L’Afrique du Nord antique est un terrain privilégié de ce point de vue car les agents de la connaissance sont en majorité, en un premier temps, des militaires, accessoirement des ecclésiastiques et des administrateurs, qui, naturellement, ont été fortement influencés par le contexte, celui de la conquête armée et de la colonisation. Mais un homme du xixe s. - début du xxe s. n’envisageait pas le prix de la vie humaine, le rôle de l’Europe, les rapports entre les civilisations comme on le fait aujourd’hui ; se moquer ou s’indigner de certaines phrases n’est pas faire œuvre d’historien. L’historien se doit d’analyser et de donner à son interlocuteur les moyens de se forger une opinion.

3La première phase de l’enseignement a consisté dans la mise en relation entre les étapes de l’occupation de l’Afrique du Nord et la progression de la connaissance de la période antique. Inévitablement émergent les liens entre les deux domaines, celui de la matière, c’est-à-dire l’Antiquité, et celui du cadre humain, politique, historique dans lequel elle a été traitée. Il y a eu superposition immédiate de la position et du comportement de Rome avec ceux des pays conquérants, essentiellement de la France ; ceux qui écrivent l’histoire se retrouvent dans ceux dont ils écrivent l’histoire. Cette identification, ressentie par les puissances européennes, a été explicitée, dans tous les domaines, qu’il s’agisse de politique, d’économie, de religion... Cependant, si les auteurs ont cherché leur reflet dans Rome, ont évalué leurs actions, leurs décisions à l’aune de celles des Romains, ils n’ont pas volontairement déformé l’histoire romaine pour la faire coïncider avec la leur. Ils l’ont cependant instrumentalisée, en ont fait une justification qu’on peut résumer grossièrement ainsi : « nous nous comportons de telle façon, nous prenons telle décision, les Romains avaient fait de même, donc nous sommes dans le vrai et le bon », puisque la primauté de la civilisation classique est alors considérée comme un fait (non un jugement) indiscutable.

4L’historique de la constitution de la connaissance de l’Afrique antique a été déroulé, de la vision de l’Afrique antique rêvée à l’Afrique antique réelle. L’histoire ancienne de l’Afrique est née avec l’arrivée des pays européens. Avant 1830, la caractéristique de l’image de l’Afrique antique est l’absence d’informations scientifiques ; indirecte, la connaissance se fonde sur les récits de voyageurs, arabes ou européens, remaniés avant leur diffusion. On ignore ce qu’on va trouver (jusqu’à la configuration du terrain), et on va s’étonner de ce qu’on observe, sans accoutumance, ni a priori. Jusqu’en 1833 la Cyrénaïque, objet d’explorations rigoureuses, constitue une exception ; pour le reste de l’Afrique du Nord, l’Académie des inscriptions et belles-lettres qui a, en 1819, créé une « Commission des Antiquités de la France », est ressentie comme l’interlocuteur scientifique naturel des curieux. C’est à elle que sont envoyées les observations faites par les militaires, et un noyau de spécialistes s’y constitue, autour de Dureau de La Malle, Letronne et Hase. L’année 1833 marque un tournant : la nécessité de faire communiquer les uns avec les autres les points d’occupation éparpillés le long des côtes incite à s’intéresser activement à la géographie ; la constatation de l’abondance des vestiges romains incite non aux recherches archéologiques désintéressées, mais à la découverte des moyens et à l’établissement du bilan de la colonisation. C’est alors que l’occupation romaine se constitue en modèle. Ce déclic fait franchir un pas décisif : celui, de 1833 à 1835, de la marche vers l’histoire scientifique, caractérisée par la rédaction, par l’Académie des inscriptions, de plans de travail : le premier, diffusé en 1833, ne fut pas suivi d’effet, les conditions d’occupation rendant superflues et dangereuses aux yeux du ministre de la Guerre des investigations scientifiques. Le second, qui prenait en compte les acquis consécutifs à 1830, s’efforçait de concilier le bilan global souhaité par l’Académie avec les visées utilitaires du ministre de la Guerre qui ne voyait comme intérêt à ces recherches que la mise au point de recettes concrètes pour la colonisation. La prise de Constantine, en octobre 1837, si longtemps espérée, marque un jalon aussi fort que l’année 1833 : acquise à grand prix, elle ancre définitivement la France en Algérie, en même temps qu’elle ouvre l’intérieur pays, jusqu’alors inaccessible. La décision de former une « Commission chargée de recherches scientifiques en Afrique » est alors mise en application, sous l’autorité conjointe des Académies et du ministère de la Guerre. De 1840 à 1842 une « Commission d’exploration scientifique d’Algérie » sillonne les parties accessibles du pays (les provinces d’Alger et de Constantine), sous la présidence du colonel Bory de Saint Vincent. Jusqu’en 1851 paraîtront sous le titre Exploration scientifique de l’Algérie pendant les années 1840, 1841 et 1842 publiée par ordre du Gouvernement et avec le concours d’une Commission académique un peu plus d’une trentaine de volumes, récapitulant les connaissances, très inégalement selon les sections. Quelles que soient les lacunes, cette collection constitue la première publication coordonnée et scientifique sur l’Afrique du Nord.

Programme de l’année 2006-2007 : Historiographie de l’Afrique du Nord antique

5L’idée fondamentale est de mettre en évidence le poids de l’idéologie sur l’écriture de l’histoire, dans le cadre de l’Afrique du Nord, toujours avec une insistance sur un principe méthodologique et déontologique essentiel : ne pas juger, mais comprendre.

6Il s’agit d’évaluer en quoi le contexte politique, social, mental d’une époque, quelle qu’elle soit, influence systématiquement l’écriture de l’histoire. L’Afrique du Nord romaine s’y prête particulièrement pour plusieurs raisons qui tiennent toutes au fait qu’il y a eu superposition immédiate de la position et du comportement de Rome avec ceux des pays conquérants, essentiellement de la France. Au poids du contexte sur toute écriture de l’histoire s’ajoute cette coïncidence qui fait que ceux qui écrivent l’histoire de la période romaine se voient dans le rôle de ceux dont ils écrivent l’histoire.

7Le contexte politique dans lequel s’inscrit la connaissance de l’Afrique du Nord antique a été éclairci, avec insistance sur la différence des conditions dans les trois pays actuels, Maroc, Algérie, Tunisie. Le processus a abouti au milieu du xixe s. à la mise sur pied de la « Commission d’exploration scientifique d’Algérie », première instance organisée de façon coordonnée.

8L’étude de Lambèse a été entamée en 2006-2007 car le site est emblématique des difficultés de préservation du patrimoine, et de la persistance de ces difficultés au-delà de la présence française en Afrique du Nord ; la construction du pénitencier en 1850, son maintien, son extension au fil du temps, alors que sa destruction est depuis longtemps annoncée, ont conduit au saccage des vestiges. Il est aussi emblématique de la solidarité entre colonisation et progrès archéologique puisque, repéré et identifié par le capitaine Delamare en 1844, lors de l’expédition montée par le duc d’Aumale pour relier Constantine à Biskra, il a été exploré à l’initiative de commandants de la garnison de Batna, la ville fondée ex nihilo à proximité, au pied des Aurès, et par les déportés français des révoltes de 1848 et 1850 qui ont édifié le bâtiment. Enfin, il est emblématique de la complémentarité entre les sources de documentation puisqu’on dispose d’abondantes archives, encore inédites, et aussi d’articles et de comptes rendus de fouilles.

9Le contexte géographique du site, son articulation avec l’Aurès, son histoire, l’époque de sa décadence et de son abandon supposé ont été examinés. De façon plus détaillée : les circonstances politiques et scientifiques de sa découverte au xixe s., en particulier la « grande fouille » de 1850 effectuée à l’initiative du colonel Carbuccia ; puis l’ensemble du site a été présenté, en prenant en considération l’articulation entre ses éléments, notamment la controverse sur les relations entre une « ville militaire » et une « ville civile ». Ensuite, l’étude de chaque groupe de monuments a été entamée en commençant par les arcs, d’une part parce qu’ils balisent les accès à la ville et à ses quartiers, d’autre part parce que le sujet intéressait particulièrement une auditrice américaine. Pour terminer l’année, nous avons entamé l’examen de groupes d’éléments urbanistiques : les maisons, les camps annexes.

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Pour citer cet article

Référence papier

Monique Dondin-Payre, « Historiographie de l’Afrique du Nord antique »Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences historiques et philologiques, 139 | 2008, 112-114.

Référence électronique

Monique Dondin-Payre, « Historiographie de l’Afrique du Nord antique »Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences historiques et philologiques [En ligne], 139 | 2008, mis en ligne le 15 décembre 2008, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/ashp/233 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ashp.233

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Auteur

Monique Dondin-Payre

Chargée de conférences, École pratique des hautes études — Section des sciences historiques et philologiques

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Droits d’auteur

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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